Article de notre chroniqueur Jules POQUET.

Après un mois et demi de compétition acharnée au Japon, la coupe du Monde 2019 a rendu son verdict : ce sont les Springboks qui repartent avec le trophée Webb-Ellis, après avoir disposé de l’Angleterre sur le score de 32 à 12. Retour sur cette rencontre…

20 octobre 2007, François Steyn passe une pénalité décisive qui permet à l’Afrique du Sud de prendre neuf points d’avance (15-6) en finale de la coupe du Monde, écart que les Anglais ne combleront jamais. Douze ans plus tard, le trois-quart polyvalent qui évolue à Montpellier, est le seul survivant de cette finale 2007, disputant le remake contre l’Angleterre en finale de cette exercice 2019. Même s’il n’est plus titulaire dans le collectif Springbok comme en 2007, l’expérimenté Steyn a tout de même apporter son vécu, en foulant la pelouse lors du dernier quart d’heure. Mais on se souviendra aussi de lui, proposant une bière (et même un concours de cul-sec), au prince Harry, venu féliciter les vainqueurs du jour dans leurs vestiaires, admettant la supériorité des Sud-Africains sur cette rencontre et louant les vertus de ce sport : « Je crois profondément que le rugby a la capacité d’unir chacun d’entre nous dans ce monde »

L’arrogance anglaise punie

Il ne faut pas s’y tromper, à l’inverse de 2007, les joueurs de la nation arc-en-ciel ne partaient pas favoris, face au l’ogre anglais, tombeur des puissants All-Blacks, double tenant du titre, en demifinale (19-7). Un XV de la Rose qui a récité son rugby tout au long de la compétition, écartant tour à tour les Tonga (35-3), les États-Unis (45-7) et l’Argentine (39-10). Seul, le redoutable typhon Hagibis, l’a empêché de faire face aux Français, une annulation de match inédite, qui a rapporté deux points aux deux équipes, les hissant au deuxième tour.

Jamais une nation n’est parvenue à gagner la coupe du Monde après avoir éliminé les trois nations du Sud. Les hommes d’Eddie Jones ne sont pas passés loin de le faire…Après n’avoir fait qu’une bouchée des Australiens en quart de finale (40-16), en guise d’entrée, les « Rosbeefs » comme on les appelle en France, ont dévoré leur plat de résistance, avec les Blacks en demi-finale (19-7). Cependant, les coéquipiers du capitaine Owen Farrell, n’ont pu échapper à l’indigestion en finale (12-32), face à des Sud-Africains, qui remporte cette compétition tous les douze ans (1995, 2007 et 2019).

« L’arrogance, c’est seulement un problème quand tu perds. Si tu gagnes, cela s’appelle la confiance en soi. » déclarait Eddie Jones avant le mondial. L’entraîneur australien de 59 ans, adepte des déclarations chocs en conférence de presse, a affirmé avant la rencontre, que son équipe était « sereine » et « qu’elle préparait cette rencontre depuis quatre ans ». L’adversaire des Britanniques n’est pas inconnu pour Jones, qui au cours de ses 25 années de coaching, s’est retrouvé dans le staff des Boks en tant qu’adjoint de Jake White. Ces mêmes Boks qu’il avait surpris à l’occasion de leur entrée dans la compétition à la coupe du Monde 2015.

A l’époque aux commandes du Japon, il avait mené les « Brave Blossoms » à une victoire historique sur les « Vert et or », à la sirène (34-32). Cet exploit a inspiré un film, sorti début septembre et intitulé « The Brighton Miracle », en référence à la ville où le match a eu lieu. Le réalisateur australien Max Mannix, en immersion pendant trois ans dans le staff nippon, a voulu raconter, le miracle de l’intérieur. En ce 2 novembre 2019, le miracle n’a pas eu lieu pour Eddie Jones et sa troupe, handicapés dès le début de la rencontre.

Une finale maîtrisée de bout en bout

Après un « God save the Queen » repris en chœur par, un très nombreux, contingent anglais, le « Nkosi Sikelel’iAfrika » était plein d’émotion, notamment à travers les yeux du troisième-ligne et capitaine Siya Kolisi, premier joueur noir à endosser cette responsabilité chez les Boks. « On ne jouait pas pour nous, mais pour les gens au pays » déclarait-il à l’issue de la rencontre, tout en revenant sur la stratégie risquée du camp Springboks : « Voilà l’intérêt d’avoir six avants sur le banc, on est surs d’avoir de la fraîcheur à l’impact. On voulait démarrer fort et c’est pour ça que certains se sont déboîtés l’épaule sur les premiers contacts.»

Démarrer fort est un euphémisme, les deux formations se sont livrées un âpre combat dès le coup de sifflet initial de M. Garcès, dont c’était le dernier match en carrière. Très vite, l’infirmerie se remplit des deux cotés, le précieux pilier droit anglais Kyle Sinckler et le talonneur sud-africain sortent sur commotion dans le premier quart d’heure, rejoint quelques minutes plus tard par Lood De Jager, touché à l’épaule. En ce qui concerne le jeu, il se résume en un duel de buteurs entre Handré Pollard et Owen Farrell, qui profitent des fautes que peuvent leur offrir les équipes adverses.

A ce jeu-là, c’est le XV de la Rose qui est perdant dans le premier acte, subissant face à la puissance du pack vert en mêlée. Malgré une possession en faveur de l’Angleterre, l’agressivité et l’envie dont font preuve Duane Vermeulen et ses coéquipiers, font déjoué la machine, pourtant bien rodée, de la perfide Albion. Sur la sirène, Pollard passe une pénalité des 40 mètres, pour permettre à son équipe de virer en tête à la pause, avec un avantage de six points (12-6).

Le demi d’ouverture des Boks a été le grand bonhomme de cette partie avec 22 points au compteur dans cette finale. Celui qui rejoindra Montpellier après la coupe du Monde, a montré tout l’étendu de son talent, face à un George Ford plus effacé que durant les matches précédents. En seconde période, les Anglais, brouillons et dominés dans l’impact physique ne parviennent pas à trouver la faille, seul Maro Itoje surnage dans une conquête britannique en péril.

C’est à l’heure de jeu que tout finit par se décanter, avec deux exploits de ceux qui ressemblent le plus à des Sprinboks (Gazelles) dans ce XV sud-africain, les ailiers. Bien servi par Marx, Makazole Mapimpi déborde la défense adverse avant de taper à suivre au dessus d’Elliot Daly, l’arrière anglais. Le rebond est favorable à Am qui n’a plus qu’à donner la balle à son compère Mapimpi pour le premier essai de cette rencontre (25-12). Le XV de la Rose est sonné, et n’est pas au bout de ses surprises, puisqu’à peine cinq minutes plus tard, sur un ballon de récupération, la flèche Cheslin Kolbe, qui avait touché peu de ballons jusque-là, a déposé la défense anglaise et Farrell, impuissant, pour assurer définitivement le succès des siens (32-12).

Une réminiscence de 1995

Le coup de sifflet final résonne et la joie s’empare du peuple sud-africain, couronné pour la troisième fois. Cette fois-ci, ce n’est pas Nelson Mandela qui remet la coupe aux vainqueurs, mais le prince Akishino, membre de la famille impériale japonaise. Siya Kolisi, enfant des townships, peut donc soulever ce précieux sésame sous une pluie de confettis, et devant des coéquipiers très agités. Le sélectionneur Rassie Erasmus, arrivait au chevet des Sprinboks en mars 2018, il a réussi à les hisser au sacre mondial en seulement un an et demi, devenant la première équipe championne du monde après avoir perdu un match en phase de poule : « C’était ma première Coupe du Monde comme sélectionneur. Notre premier match contre les All Blacks (défaite 23-13) nous a beaucoup servi pour apprendre à gérer la pression. On était très tendus cette semaine-là avant le match, c’était terrible et c’est ça qui nous appris à gérer la pression des quarts et des demies. Explique le jeune coach de 46 ans, en relativisant sur la pression. En Afrique du Sud, la pression, c’est d’être au chômage ou d’avoir un proche qui se fait assassiner. Le rugby ne devrait pas engendrer de la pression, mais de l’espoir. C’est un privilège, pas un fardeau. »

En repensant à ce qu’a dit le Prince Harry aux Springboks dans leur vestiaire, on se rend compte, qu’à l’instar de 1995, le rugby a pour vocation d’unir cette nation arc-en-ciel, 24 ans après… « Je crois profondément que le rugby a la capacité d’unir chacun d’entre nous dans ce monde L’espoir c’est quand vous jouez et que les gens regardent le match autour d’un bon braai (barbecue) en faisant abstraction pendant 80 minutes, des clivages politique ou religieux, qu’ils se réunissent au lieu de se déchirer. » conclue Erasmus, fier d’apporter cela à son pays. Avec certainement une pensée ému, à Chester Williams, seul joueur de couleur, dans l’équipe champion du monde en 1995, décédé d’une crise cardiaque peu avant la compétition…

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